Introduction
À peine franchi le cap de son premier centenaire, l’HGM entre dans une période de bouleversements majeurs, marquée par deux guerres mondiales, une dépression économique planétaire et la pandémie de grippe de 1918. Malgré des déficits importants, l’hôpital demeure chef de file en matière de soins médicaux et d’innovation de recherche.
Avec l’avènement de la Première Guerre mondiale, un grand nombre d’employés de l’HGM se portent volontaires pour servir à l’étranger. Ceux qui restent à Montréal continuent à prodiguer des soins à une population toujours croissante, ainsi qu’à la première génération de vétérans de la guerre moderne. En raison de son affiliation avec McGill, l’HGM joue aussi un rôle central dans la mobilisation du premier hôpital bénévole canadien dirigé par une université. Celui-ci va à son tour produire de la recherche et des avancées de pointe dans le domaine de la médecine de combat.
Dès le début de la Première Guerre mondiale, des citoyens montréalais se portent volontaires pour participer à l’effort de guerre des Alliés. Les premiers employés de l’HGM à s’enrôler rejoignent des médecins de tout le Dominion pour servir dans le cadre du Corps expéditionnaire canadien. Ils travaillent dans les ambulances de campagne, les postes d’évacuation des blessés, les unités de soins ou les hôpitaux aux abords du front occidental en France et en Belgique, ainsi qu’en Angleterre, en Égypte, en Grèce et en Turquie. À Montréal, l’HGM maintient ses opérations quotidiennes malgré les pénuries de fournitures et de personnel, en plus d’ouvrir deux sections supplémentaires pour les soldats.
L’Hôpital général canadien n° 3 – L’unité McGill
C’est au célèbre Hôpital général canadien n° 3 (CGH) que sert la majorité du personnel de l’HGM. Le CGH n° 3, établi par le colonel H.S. Birkett, ancien chirurgien de l’HGM devenu doyen de la faculté de médecine de McGill, est le premier hôpital à être proposé par une université canadienne. D’autres universités vont suivre son exemple et offrir des hôpitaux, notamment l’Université de Toronto, l’Université Western, l’Université Dalhousie, l’Université Laval et l’Université Queen’s.
Le personnel du CGH n° 3 provient des deux hôpitaux universitaires de McGill, soit l’Hôpital général de Montréal et l’Hôpital Royal Victoria. Birkett sélectionne trente-six infirmières de chaque établissement pour servir en tant qu’infirmières militaires, dénommées les Nursing Sisters. Celles-ci reçoivent pour ce grade d’officier une formation militaire sur les terrains de sport de McGill, avant d’être déployées avec le Corps expéditionnaire canadien.
En mars 1915, l’hôpital se mobilise et aménage une tente-hôpital à Dannes-Camiers, près de la frontière franco-belge. En novembre, l’hôpital déménage à Boulogne et s’installe dans les ruines d’un ancien collège jésuite.
On reconnait au CGH n° 3 ses contributions en matière de soins post-traumatiques et de recherche sur les effets de la guerre de tranchées et des gaz toxiques. Aussi, une étude publiée par le Dr J.M. Elder de l’HGM démontre que les transfusions sanguines réduisent le nombre de décès liés aux chocs. En combinant recherche et innovation, le CGH n° 3 réussit à maintenir un taux de mortalité postopératoire étonnamment bas, soit de moins de 1 %. À la fin de la guerre, l’unité médicale aura gagné la réputation d’être la meilleure des forces alliées.
John McCrae :
de pathologiste à l’HGM
à soldat tombé au
champ d’honneur
John McCrae est reconnu à travers le monde pour son poème, In Flanders Fields (Au champ d’honneur), qui témoigne de la peine et du désarroi associés à l’expérience de la guerre. Après avoir servi comme lieutenant durant la guerre d’Afrique du Sud, McCrae occupe le poste de pathologiste résident à l’HGM de 1902 à 1904. Au début de la Première Guerre mondiale, il part à l’étranger avec le Corps expéditionnaire canadien pour travailler dans l’artillerie canadienne de campagne. Là-bas, il soigne les soldats blessés lors de la deuxième bataille d’Ypres, reconnue pour l’utilisation de gaz toxiques par les Allemands, une première dans l’histoire de la guerre.
C’est après avoir été témoin de la mort d’un ami proche que John McCrae écrit son célèbre poème. Transféré au CGH n° 3, McCrae y est stationné au moment de la publication du poème dans la revue Punch. Celui-ci gagne rapidement en popularité à travers tout le Commonwealth. John McCrae est décédé d’une pneumonie avec complications en 1918.
“The general impression in my mind is of a nightmare. We have been in the most bitter of fights. For seventeen days and seventeen nights none of us have had our clothes off, nor our boots even, except occasionally. In all that time while I was awake, gunfire and rifle fire never ceased for sixty seconds … And behind it all was the constant background of the sights of the dead, the wounded, the maimed, and a terrible anxiety lest the line should give way.” McCrae on the Second Battle of Ypres, in a letter addressed to his mother, reproduced in John F. Prescott’s In Flanders Fields: The Story of John McCrae, 1985.
La tragédie du
Llandovery Castle
Le 27 juin 1918, au large des côtes irlandaises, un sous-marin allemand torpille le Llandovery Castle, un des cinq navires-hôpitaux canadiens en route vers l’Angleterre après avoir déposé des patients à Halifax. Seuls vingt-quatre passagers survivent. Parmi les victimes figurent deux infirmières de l’HGM, Gladys Irene Sare et Margaret Jane Fortescue (HGM 1913 et 1905). Après la guerre, le lieutenant allemand et deux de ses hommes seront condamnés pour crimes de guerre lors des procès de Leipzig.
Une fois son personnel rentré d’outre-mer, l’HGM se remet des pénuries causées par la guerre. S’il réussit à composer avec l’augmentation de la population et la transformation de la pratique médicale, l’hôpital ne bénéficie toujours pas de soutien public substantiel et fonctionne avec des déficits croissants. La Grande Dépression va aggraver ces difficultés. Autre conséquence directe de la Première Guerre mondiale, les femmes font leur entrée en grand nombre parmi les travailleurs de la santé durant la période d’entre-deux-guerres.
La grippe de 1918 : la pandémie la plus meurtrière du Canada
Ce tableau indique le nombre de cas et de décès quotidiens à Montréal pour la période d’octobre et novembre 1918. Bien que le pic initial de cas se soit résorbé à temps pour célébrer l’Armistice, les vagues subséquentes causèrent au moins mille cas et cinq cents décès additionnels à Montréal au cours des années 1919-20 (d’après un signalement des cas parfois estimé insuffisant).
Vers la fin de la guerre, la pandémie de grippe mortelle de 1918, communément appelée la grippe espagnole, amorce son ravage planétaire. Le virus se propage d’abord parmi les soldats qui débarquent dans des casernes surpeuplées en provenance de camps aux États-Unis, faisant d’eux les principaux vecteurs de la maladie. En sa qualité de ville portuaire, Montréal devient l’un des premiers épicentres de la pandémie au pays, la grippe se transmettant des soldats infectés au port à la population générale. La ville est particulièrement touchée durant l’automne 1918, avec une augmentation importante des cas en octobre.
La pandémie exacerbe les pénuries de personnel dont souffrait déjà l’HGM en raison de la guerre. Les professionnels de première ligne qui sont infectés par la grippe ne peuvent se présenter au travail. Le rapport annuel de 1918 répertorie l’absence quotidienne d’environ trente-cinq infirmières pour cause de maladie, et enregistre 748 cas de grippe et 144 morts. Alors que les hôpitaux municipaux sont surchargés, l’HGM joue un rôle clé dans la mise sur pied d’un hôpital maritime au Catholic Sailors’ Club dans le port de Montréal, où l’on isole les cas infectieux.
Si les recommandations du Conseil de santé de la ville mettent l’accent sur les fermetures et la restriction des rassemblements publics, ces recommandations s’appuient sur une conception des maladies infectieuses qui est tristement erronée. Croyant que les populations étrangères sont à la source des pandémies historiques, on pense pouvoir contrôler le virus en isolant les immigrants dans des hangars dès leur arrivée. Mais étant donné qu’on ne considère pas les soldats infectés comme des étrangers, la propagation du virus suit son cours jusqu’à ce qu’il soit trop tard.?
La pandémie mène à la création, en 1919, d’un ministère fédéral de la santé publique, et à une évolution du discours sur les maladies infectieuses et sur la gestion de ses causes sociales. De fait, le taux de mortalité plus élevé subi par les ménages à faible revenu et à forte densité d’habitation révèle l’importance d’améliorer les conditions de vie de ces populations.
Au total, la pandémie de 1918 emporte avec elle la vie d’environ trois mille Montréalais et de plus de cinquante mille Canadiens. S’ajoutant aux ravages de la guerre, elle fauche toute une génération de jeunes adultes.
Difficultés financières
Depuis sa création, l’HGM dépend en grande partie du financement de donateurs privés pour fonctionner, ne recevant du gouvernement que de modestes subventions annuelles. Vers la fin de la Première Guerre mondiale, sous la pression des déficits croissants, l’HGM implore publiquement le gouvernement municipal de mieux soutenir les hôpitaux de la ville :
“It is absolutely wrong in principle that this and kindred institutions should have to depend almost entirely on the generosity of a few hundred citizens of Montreal. That was all very well a generation or two ago, when this City had a small population, but it is abundantly evident that this state of affairs cannot be continued. The burden has become too great, and we must now look to the civic authorities to provide for the support of the sick poor of the City who are treated in the hospitals, and who are unable to pay for this treatment. It is a civic duty which is recognized by practically every city of importance in the Dominion, with the exception of Montreal.” (Rapport du trésorier pour l’exercice terminant le 31 décembre 1918.)
En 1921, la province adopte la Loi sur l’assistance publique, qui engage les gouvernements municipaux et provinciaux à financer une partie du coût des soins des patients défavorisés. Si celle-ci devient la principale structure de financement public des soins de santé au Québec jusqu’en 1958, ses dispositions sont insuffisantes pour plusieurs raisons. D’abord, tandis que l’HGM gère l’une des plus importantes cliniques pour diabétiques au pays, le Québec est la seule province à ne pas payer l’insuline. La province refuse également d’assumer le coût des soins de longue durée, dont la charge incombe aux hôpitaux et à leurs services sociaux. La Loi sur l’assistance publique exclut par surcroit les frais liés aux immigrants et aux sans-abris.
Le déficit de l’hôpital est devenu si considérable en 1930 que la ville accepte d’octroyer une subvention annuelle de 25 000 dollars, sur une période de vingt ans, afin de couvrir les seuls frais d’intérêt. Avec les répercussions de la Grande Dépression, les patients qui pouvaient se permettre des honoraires privés ne le peuvent plus, et l’hôpital perd ainsi une source vitale de revenus.
Fusion avec l’Hôpital Western
L’hôpital Western servit d’hôpital d’enseignement à l’École de médecine de l’Université Bishop’s, une institution rivale qui fut fusionnée à l’Université McGill en 1904. En plus de servir une importante population de patients privés payants, l’hôpital fournissait des soins aux accidentés du travail des zones industrielles du Sud-Ouest.
En 1924, l’Hôpital Western, une institution fondée en 1880 suite au déplacement de la population anglophone vers l’ouest de la ville, fusionne avec l’HGM. La transition s’effectue pour pallier les déficits majeurs qui frappent les deux établissements dans les années d’après-guerre. La fusion permet à l’HGM d’accéder à une source considérable de revenus auprès des patients privés du Western, tandis que le Western bénéficie du cercle de donateurs et de la réputation de l’HGM en matière d’expertise clinique et médicale. C’est ainsi que l’hôpital Western, dont les bâtiments incluent à l’époque l’édifice Mills, l’extension de l’aile Lyall et une résidence pour infirmières, devient la division Western de l’HGM.
En 1926, l’HGM (qui englobe désormais la division Western et ses déficits) et l’hôpital Royal Victoria cumulent des dettes combinées d’environ 2,5 millions de dollars, ce qui suscite une importante campagne de collecte de fonds, présidée par J.W. McConnell. En un an, McConnell réussit à sensibiliser plusieurs des plus riches philanthropes de Montréal, amassant une somme d’à peu près 4,7 millions de dollars (l’équivalent de 72 millions de dollars en 2020). L’HGM consacre une partie de ces fonds, soit environ 2,5 millions de dollars, à la construction du Pavillon privé des patients de la division Western.
La proximité et la nécessité créent un rapport entre la division Western de l’HGM et le club de hockey des Canadiens de Montréal, qui loge au Forum vers 1924. De cette époque à aujourd’hui, de nombreux médecins et chirurgiens de l’HGM ont fourni des soins aux joueurs de la vénérable franchise montréalaise. Le Dr Doug Kinnear et le Dr David Mulder ont chacun exercé la fonction de médecin de l’équipe durant plus de 30 ans. Le lien entre les deux organismes a été préservé par la famille Molson, dont la vision, la générosité et la fidélité envers l’HGM sont légendaires.
Les femmes sur le marché du travail
Les pénuries de main-d’œuvre généralisées engendrées par la Première et la Seconde Guerre mondiale créent pour plusieurs femmes du Québec des occasions inédites sur le marché du travail. Dans la foulée d’un vaste mouvement d’émancipation, les Québécoises obtiennent le droit de vote en 1940. Durant cette période, les femmes gagnent à l’HGM un accès à des rôles précédemment réservés exclusivement aux hommes, notamment dans les domaines de la médecine, de la recherche et du travail de laboratoire. En plus de ces rôles, les postes déjà accordés aux femmes prennent de l’expansion avec la création de nouvelles professions paramédicales.
Le développement de la chimie clinique et de la recherche en laboratoire offre de nombreuses possibilités aux femmes professionnelles. Dans les années qui suivent immédiatement la guerre, ce sont elles qui occupent plusieurs des premiers postes de techniciennes de laboratoire ou de chimistes au sein du département du métabolisme de l’HGM. Elles contribuent aussi à la gestion du laboratoire, à la réalisation d’études et à la préparation du matériel de recherche à être publié. Le département engage sa première diététicienne, Mlle M.A. Perry, B.Sc, en 1919.
Dès ses débuts, la faculté de médecine de l’Université McGill fait triste figure quant à l’inclusion des femmes dans son corps étudiant. Malgré des efforts répétés pour améliorer la situation, la faculté rejette systématiquement les candidatures féminines, les obligeant à se former ailleurs. Alors que la faculté accueille enfin ses premières étudiantes durant la Première Guerre mondiale, celles-ci s’illustrent brillamment.
Parmi les cinq premières femmes à obtenir leur diplôme de médecine en 1921, Eleanor Percival devient la première femme médecin de l’HGM, où elle pratique au département de gynécologie. Après son internat, l’hôpital Howard Kelly de Baltimore l’engage pour étudier l’utilisation du radium dans le traitement du cancer du col de l’utérus. Elle travaille l’année suivante à l’Hôpital Johns Hopkins, au sein du l’équipe de l’obstétricien novateur John Whitridge Williams, avant de revenir à l’HGM pour y diriger le programme de radium. Eleanor Percival prend sa retraite en 1959 alors qu’elle est nommée membre honoraire du personnel soignant.
Hortense Douglas
Hortense Douglas naquit en 1901 à Yonkers, dans l’état de New York, et déménagea à Montréal durant son enfance. Au début des années 20, elle suit des cours à l’Art Association of Montreal, et fait en 1923 du bénévolat à l’HGM au sein de la Junior League. En 1924, le département de pathologie l’engage officiellement. L’année suivante, l’hôpital l’envoie étudier les arts médicaux à l’Université Johns Hopkins.
La pénurie de personnel à l’hôpital donne lieu à l’implication de nombreuses jeunes femmes bénévoles. Contribuant de manière significative à divers aspects de la réalité hospitalière, l’organisme de la Junior League fait figure de modèle auprès d’une nouvelle génération d’auxiliaires féminines. Entre autres initiatives, celles-ci redirigent les profits engendrés par la cantine des patients externes vers le financement des services sociaux, gèrent une bibliothèque mobile et rendent visite aux patients.
C’est grâce à son travail bénévole au sein de la Junior League qu’Hortense Douglas obtient le premier poste rémunéré d’illustratrice médicale de l’HGM, sur la base de ses dessins et aquarelles offerts au département de pathologie.
Les illustrations d’Hortense Douglas servirent fréquemment comme support visuel lors des conférences cliniques du département de pathologie, ou pour illustrer les recherches publiées par les médecins de l’HGM. En tant que première illustratrice médicale de l’hôpital, ses réalisations sont d’autant plus admirables qu’elle dût composer avec un handicap de surdité.
Professions paramédicales
Bien qu’avant la guerre des débouchés existent pour les femmes dans les domaines du travail social, de la massothérapie et de la pharmacie, une variété de nouvelles spécialités paramédicales se développe au niveau universitaire durant l’entre-deux-guerres. En 1918, McGill ouvre le Department of Social Studies and Training (le futur Service social). L’École d’ergothérapie ouvrira en 1938, puis l’École de physiothérapie peu après, en 1943. Les étudiantes qui s’inscrivent à ces programmes bénéficient non seulement de possibilités d’emploi sur le terrain, mais éventuellement aussi de postes à l’HGM.
Durant les décennies suivant la Première Guerre, les infirmières de l’HGM et l’Alumnae Association continuent, en tant que femmes professionnelles pionnières, à participer à des organisations nationales axées tant sur les soins infirmiers que sur le grand mouvement pour le droit de vote des femmes. Si la Loi des électeurs militaires de 1917 a permis aux Nursing Sisters ayant servi à la guerre de voter aux élections fédérales, ce n’est qu’en 1940 que l’ensemble des femmes du Québec obtient le droit de vote. L’année d’après, c’est l’influente leader féministe québécoise Thérèse Casgrain qui s’adresse aux finissantes lors de la cérémonie de remise des diplômes.
En 1932, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et l’Association médicale canadienne commissionnent conjointement le rapport Weir, première enquête exhaustive à se pencher sur la vie professionnelle des infirmières et sur l’inégalité des normes en matière d’enseignement infirmier. Le rapport, suivi d’une série de documents et de réformes éducatives, mena éventuellement à la fermeture des écoles de soins infirmiers en milieu hospitalier à la fin des années 1960. On y recommandait l’observation de standards élevés de formation, la plupart déjà largement atteints à l’HGM. L’un des effets directs du rapport à l’HGM fut l’ajout d’un volet de santé publique au programme d’enseignement des soins infirmiers.
Sous la gouverne des directrices Sarah E. Young et Mabel Kathleen Holt, le département des soins infirmiers de l’HGM fait l’objet de plus amples réformes après la Première Guerre mondiale. Le département engage en 1920 sa première spécialiste, une infirmière anesthésiste, amorçant l’introduction de nouveaux postes infirmiers de plus en plus spécialisés à l’hôpital. En 1923, Young instaure un gouvernement étudiant qui prône l’autodétermination et l’organisation des élèves. Elle va également jouer un rôle central dans la création de l’Association des gardes-malades enregistrées de la Province de Québec (AGMEPQ).
La médecine des années 1920 : le pionnier de la chimie clinique au Canada
C’est en 1920, suite à sa résidence à l’HGM, que le jeune médecin Israel Mordechai Rabinowitch, surnommé « Rab », y ouvre un département du métabolisme et une clinique du diabète. Parmi les premiers au monde à administrer de l’insuline, peu après qu’elle ait été découverte en 1921 par Banting, Best, Macleod et Collip, le Dr Rabinowitch est à l’avant-garde des premières recherches et des soins en matière de diabète en Amérique du Nord. La clinique qu’il dirige au sein de l’HGM sera la plus importante au pays durant de nombreuses années.
Rabinowitch équipe le département du métabolisme d’un laboratoire biochimique rudimentaire, au sein duquel nait le premier programme de recherche systématique de l’hôpital. À cette époque, la valeur des travaux de routine en laboratoire n’est pas encore reconnue. Rabinowitch doit fabriquer son propre matériel de laboratoire, empruntant à l’occasion à la cuisine diététique de l’HGM. Sa clairvoyance fera de lui un pionnier de la chimie clinique à l’échelle nationale.
La Seconde Guerre mondiale
En 1942, Blanche Herman (RRC, MID), matrone-en-chef principale du CGH n° 14, se trouve à bord du SS St Helena alors qu’on le torpille, deux jours après avoir quitté Gibraltar. Une fois secouru, l’équipage met sur pied un hôpital de campagne dans une ancienne usine de tabac, où l’on soigne des patients d’origines diverses. À son retour au pays, Holt la nommera directrice de la division Western.
Au moment où la Seconde Guerre mondiale éclate, le corps médical canadien dispose de programmes de formation bien établis. Les infirmières de l’HGM sont les plus nombreuses au pays à se mobiliser pour la guerre,? en plus d’environ 30 % du personnel soignant et de plusieurs autres travailleurs hospitaliers. À l’HGM, les divisions Centrale et Western font face à d’importantes pénuries de personnel, de nourriture et d’équipement. Les laboratoires canadiens redirigent leurs travaux de recherche vers des études liées au combat, notamment sur les chocs, l’entreposage du sang et le traitement des blessures traumatiques. Ils entreprennent également la production en série d’antibiotiques, d’anatoxines et de vaccins pour contrer les maladies infectieuses qui menacent les troupes déployées à l’étranger.
Découverte en 1928 par Alexander Fleming, la pénicilline est produite en masse dans les laboratoires de toute l’Amérique du Nord afin de servir, à partir de 1942, dans les campagnes de la Seconde Guerre mondiale. Une nouvelle ère commence dans le traitement des infections bactériennes par antibiotique.
Armes chimiques
En 1939, le Dr Rabinowitch se rend en Angleterre avec le Dr Banting pour établir un lien avec le British Medical Research Council dans son travail sur les armes chimiques. Reconnu comme l’un des principaux toxicologues au Canada, Rabinowitch devient une sommité en matière de guerre chimique pour les gouvernements canadien et britannique durant la Seconde Guerre mondiale. Après un bref retour au Canada, où il éduque les troupes sur la guerre chimique et la protection contre les gaz toxiques, il repart outre-mer organiser et diriger le No. 1 Chemical Warfare Defense Laboratory. Il sert également là-bas en tant que conseiller et médecin personnel du général Andrew McNaughton. En 1946, Rabinowitch est nommé membre de l’Ordre de l’Empire britannique pour sa contribution à la planification et à la recherche en fait de défense contre la guerre chimique.
Contributions des
infirmières
Les infirmières de l’HGM répondent à nouveau à l’appel lors de la Seconde Guerre mondiale, s’enrôlant pour servir à l’étranger ou collectant des fonds pour soutenir l’effort de guerre. Parmi toutes les écoles d’infirmières au pays, les finissantes de l’HGM forment le plus grand groupe d’infirmières militaires. Alors que 170 infirmières de l’HGM servent à l’étranger, Mlle Holt doit gérer les pénuries à l’hôpital. Elle adapte la prestation des soins en employant des infirmières du détachement d’aide volontaire ainsi que des infirmières auxiliaires. En 1941, un groupe d’infirmières de l’Alumnae Association de l’HGM crée le Fonds Spitfire, qui fait don d’une somme d’argent à l’Aviation royale canadienne pour l’achat d’un avion de chasse. L’année suivante, le fonds offre une cantine mobile à l’Armée du Salut.
De Nouveaux Traitements
En 1942, Frank Zahalan, pharmacien à l’HMG, fait équipe avec Fraser B. Gurd, F. Douglas Ackman et Gordon Wilson pour élaborer une émulsion destinée à traiter les brûlures. L’émulsion de sulfathiazole de l’HGM est bientôt adoptée par les hôpitaux du continent. Les hôpitaux de base à l’étranger en font leur traitement standard pour les brûlures, ce qui constitue une contribution majeure à la médecine militaire de l’époque. L’hôpital produit également un film éducatif, qu’il distribue aux écoles de médecine au Canada et aux États-Unis.
Forts de leur expérience à la guerre, les chirurgiens de l’HGM J.G. Shannon et F.M. Woolhouse mettent au point une méthode pour traiter les infections osseuses logées dans les fractures complexes. Celle-ci consiste à retirer par excision le tissu infecté, puis à appliquer une greffe de peau semi-épaisse sur la blessure. La technique permet d’améliorer les résultats des opérations liées à l’ostéomyélite dans les fractures multiples, qui sont le foyer de réinfections fréquentes. Cette méthode sera particulièrement aidante pour traiter les blessures par balle subies durant la guerre.
Jeunes médecins en herbe
Les médecins en herbe qui ont servi à la guerre y ont acquis une expérience inestimable, qu’ils vont mettre à profit dans des rôles de direction à l’HGM dans les années d’après-guerre. C’est le cas des jeunes chirurgiens H. Rocke Robertson et Fraser N. Gurd (qui servit avec son père, Fraser B. Gurd, chirurgien à l’HGM et vétéran de la Première Guerre mondiale) qui simplifient le système de triage des urgences de l’hôpital. Le Dr Robertson va jusqu’à réformer le service d’urgence de l’HGM à l’image des aires d’accueil des hôpitaux fixes en Angleterre durant la guerre. Cette expertise acquise à la guerre constitua la fondation du service de traumatologie à l’HGM tel qu’il allait se développer, et de sa réputation en tant que destination privilégiée pour traiter les cas de traumas à Montréal.